Chenevia : l’industrie du cannabis thérapeutique est en marche

Comptant parmi les plus gros consommateurs de cannabis récréatifs au monde, la France fait désespérément pâle figure sur le volet médical. Selon Quentin Beauvais, co-fondateur de Chenevia, ferme de production de cannabis bien-être, l’assouplissement du cadre juridique* ouvrirait des perspectives prometteuses, tant d’un point de vue marché que sur le plan du bien-être et de la santé.

De la mer au champ

A la tête d’une exploitation de 6 hectares aux côtés de son frère, à quelques encablures de Ploërmel, Quentin cultive le chanvre pour ses vertus bien-être. En tout ce sont 6500 plants de cannabis qui y sont listés et répertoriés. « Nous travaillons sur un produit à forte valeur ajoutée pour une cible premium », souligne l’entrepreneur originaire de région parisienne. « Chaque plant possède un numéro. Nous jouons la carte de la qualité, et grâce aux compétences en pharmacologie de notre associé pharmacien, ainsi que l’expertise de deux généticiens qui ont rejoint le projet, nous testons différents types de culture pour en obtenir le meilleur, dans le respect des sols et de la terre. »

En attendant que la loi sur la légalisation du cannabis médical soit promue, la petite entreprise lancée en 2021 mise sur le marché du CBD qui s’est largement développé ces dernières années. Chenevia compte d’ailleurs 3 magasins de cannabis bien-être à Auray, Vannes et Ploërmel*.

Si rien ne prédestinait Quentin, ancien skippeur reconverti en directeur commercial au sein d’un société de conseils, à se lancer dans un projet agricole novateur, le goût d’entreprendre ne l’a sans doute jamais quitté. « Je vois de nombreux parallèle entre le monde de l’entreprise et celui de la mer, analyse Quentin, il y a des risques à prendre, parfois des tempêtes auxquelles il faut faire face en tant que marin, mais aussi en tant qu’entrepreneur ». L’année dernière, la jeune entreprise a perdu près de 90% de sa production suite à une contamination bactériologique sur sa récolte.

Une plante fragile et résiliente

Un coup dur qui n’empêche pas Quentin de repartir de plus bel… La plante de cannabis est fragile – sujette à la propagation de champignons- tout en étant résiliente. Peu consommatrice d’eau, résistante à la sécheresse, elle dépollue les sols et s’épanouit en culture mixte. Durant l’été caniculaire breton 2022, le champ verdoyant de Chenevia a d’ailleurs attisé la convoitise des parcelles voisines en manque cruel d’eau. Côté environnemental, la plante, encore controversée en France, coche bien toutes les cases… vertes !

Parmi les projets de développement de la jeune startup, Quentin évoque l’installation d’une serre de 2500m² afin de produire du cannabis en lieu fermé avec un taux de THC règlementé pour la filière thérapeutique. « On espère multiplier par 2 la surface d’ici 5 ans », indique l’entrepreneur enthousiaste. Dans le viseur : les laboratoires pharmaceutiques en quête d’approvisionnement français. Eco-certifiée, l’entreprise morbihannaise entame sa 2e année en transition biologique.

Légaliser pour développer une filière thérapeutique vertueuse

En parallèle, en lien étroit avec l’association Santé France Cannabis, Quentin et ses associés enfoncent « gentiment » les portes du monde politique.

Objectif : permettre au cannabis d’être reconnu en France sur le plan thérapeutique, comme c’est déjà le cas dans nombre de pays étrangers.

Preuve à l’appui, la plante aurait en effet des effets positifs tangibles pour soulager des personnes atteintes de maladies chroniques lourdes (cancer, sclérose en plaque, épilepsie…). « C’est un anti-douleur qui offre une autre vie aux malades soumis aux effets secondaires de la morphine », souligne Quentin, personnellement et familialement touché par la maladie alors qu’il était enfant.

En première ligne aux côtés de Santé France Cannabis et de la sphère législative, Chenevia participe actuellement à l’élaboration de la loi de légalisation qui devrait être promue courant 2024. « C’est vertigineux de se dire que l’on participe à la naissance d’une filière à proprement parlé, et en même temps tellement enthousiasmant d’être acteur d’un projet qui fait sens au niveau environnemental et médical ».

Lucide, Quentin sait que la partie n’est pas encore gagnée. « L’opinion et les pouvoirs publics restent encore frileux dès lors que l’on parle de cannabis », commente le jeune homme. « La politique répressive opérée depuis des années n’y est pas étrangère. Avant je me cachais derrière la terminologie « culture de chanvre ». Désormais, structuré, accompagné par des experts et soutenu par des fonds d’investissement, je parle ouvertement et sans complexe de cannabis thérapeutique. »

Plus d’infos sur Chenevia

*Entendez la légalisation de la production et de la commercialisation de cannabis thérapeutique en France

**Actuellement approvisionnement principalement venu de produits importés d’autres pays de l’Union Européenne.

Quentin Beauvais, co-fondateur de Chenevia est accompagné dans son développement par Caroline Cario. En 2023, l’entreprise a bénéficié d’une subvention de la Région Bretagne (Pass Invest TPE) et est actuellement en préparation d’une levée de fonds.